Un asile bleu

Vendredi 13 septembre 2019

Je ne sais pas vraiment pourquoi je continue à voir ce psy. Les séances se déroulent systématiquement de la même manière : je l’installe dans la salle d’attente. Il sort de son cabinet, serre la main du patient précédent, se tourne vers moi, me salue, me serre la main et m’invite à entrer dans son cabinet. Une fois à l’intérieur, je m’installe et je me mets à dire tout ce que j’ai sur le cœur, à raconter toutes sortes de souvenirs. Et lui, il m’écoute. C’est bien là le problème : il ne fait que m’écouter. Parfois, il pose une question qui devrait m’aider à guider mes réflexions. Mais à aucun moment il ne fait un diagnostic ou me donne une piste pour aller mieux. C’est pour cette raison que j’avais interrompu ces consultations pendant de nombreuses années : j’ai vraiment l’impression qu’elles ne débouchent sur rien. J’envisage de les arrêter et de me tourner vers d’autres thérapies. Et puis, je connais la source de tout ce mal. Je la connais depuis que j’ai douze ans : c’est à cet âge que j’ai vu mon premier psy. Avec ma sœur Sarah, on devait le voir tous les mercredi, l’un après l’autre. Elle a su évoluer dans le bon sens, devenir une personne forte et affirmée. Si elle se pose encore des questions, elle n’en laisse rien paraître. On ne peut en dire autant de moi : je suis régulièrement assailli d’angoisses et d’un vague sentiment de culpabilité. Comme si la disparition de mon frère était de ma faute : pourtant, il n’en est rien. Mais j’ai toujours eu l’impression que j’aurais dû disparaître à sa place, car il me paraissait plus fort et bien plus intelligent que je ne le suis. Je me demande parfois s’il est vivant quelque part, et je sais que cette question hante aussi nos parents.